Ahmed Lahlimi Alami a la réputation de ne pas avoir la langue dans sa poche, usant d’une liberté de ton qui fait grincer les dents au sein du gouvernement, quel qu’il soit d’ailleurs. Tout le monde se rappelle des divergences avec le ministère des Finances, sous Mohamed Boussaid, sur les prévisions de croissance. Cette fois-ci, c’est sur les instruments et la politique à déployer pour contenir les pressions inflationnistes qu’il tranche dans le vif. Pour le Haut-commissaire au plan, l’argument selon lequel l’origine de l’inflation actuelle serait monétaire n’est pas tenable. C’est un problème d’offre et de modèle de notre agriculture. Par ailleurs, les mesures de soutien aux ménages, pour nécessaires qu’elles soient, ne suffisent pas car «l’inflation agit comme une fuite d’eau».
L’économie marocaine est-elle sortie du long cycle de désinflation des années 2000 ? Quelle est votre analyse ?
Actuellement, le Maroc fait face, tout comme de nombreux autres pays, à une augmentation des prix, après une longue période de basse inflation. Cette période s’est également caractérisée par un taux de croissance faible et un maintien relatif du niveau de revenu des ménages, que le HCP qualifie de régime de croissance bas. De plus, cette période a été marquée par des saisons sèches moins nombreuses et un contexte global de prix mondiaux bas.
L’inflation importée a souvent été avancée pour expliquer la hausse soudaine des prix alimentaires, et pas qu’au Maroc. Quels autres facteurs conjoncturels et structurels voyez-vous ?
Il est vrai que l’inflation importée a effectivement été déclenchée par la hausse soudaine des prix alimentaires, et pas seulement au Maroc. Bien que le gouvernement ait réagi par les politiques de compensation pour atténuer les effets de ce choc, l’inflation agit comme une fuite d’eau, touchant l’ensemble de l’économie. L’inflation actuelle coïncide avec des années sèches et une pénurie de l’offre agricole, ce qui a généré un nouveau processus d’augmentation des prix qui perdure malgré la baisse des prix de certains intrants importants, tels que l’énergie.
L’explication mécanique de la Théorie quantitative, au nom de laquelle les banques centrales, dont celle du Maroc, justifient la hausse des taux directeurs vous semble-t-elle tenable ? La réponse monétaire a-t-elle montré ses limites ou serait-elle plutôt inadaptée ?
Certains auteurs soutiennent l’origine monétaire de l’inflation dans les pays développés, en raison, notamment, de la double influence des politiques monétaires expansionnistes, telles que le quantitative easing et des politiques de relance adoptées après la crise de la Covid-19 et qui ont entraîné une surliquidité sur les marchés de ces pays. Cependant, l’origine monétaire de l’inflation au Maroc ne semble pas tenable en raison de la faible demande. La cause principale en est plutôt la faiblesse de l’offre de biens alimentaires, qui constitue une grande part du panier des ménages marocains. Ces biens ne sont pas substituables, ce qui entraîne une réduction de la demande pour les autres produits et de la demande agrégée.
À combien le HCP évalue la perte de pouvoir d’achat résultant de la hausse de l’inflation ?
Dans notre budget prévisionnel publié en janvier, nous avons prévu une détérioration du pouvoir d’achat de -1,9%. En 2023, et si on n’assiste pas à une amélioration significative du revenu disponible, le pouvoir d’achat des ménages peut connaître une baisse pour la deuxième année consécutive.
Faut-il craindre une relance de revendications salariales dans la Fonction publique et le secteur privé ?
La conjoncture actuelle, malgré la difficulté qu’elle présente pour les salariés et les travailleurs en général, devrait plutôt les inciter à faire preuve de plus de modération dans l’évaluation de leur niveau de vie, en comparaison avec la grande frange de la population qui souffre de la sécheresse et du chômage.
Comment expliquez-vous que l’inflation alimentaire soit si élevée, 20% en février, alors que le Royaume produit
l’essentiel de ce qu’il consomme ? Devrait-on remettre en cause le poids des cultures tournées vers l’export ?
Je suis convaincu que le Maroc, tout comme d’autres pays, même européens, sera amené à revoir son modèle stratégique, technologique et social, dont l’agriculture, pour une plus grande sauvegarde de sa sécurité alimentaire.
AbashiShamamba / Les Inspirations ÉCO
Lien : https://leseco.ma/maroc/ahmed-lahlimi-alami-linflation-agit-comme-une-fuite-deau.html
PAR AbashiShamamba / Les Inspirations ÉCO
L’économie marocaine est-elle sortie du long cycle de désinflation des années 2000 ? Quelle est votre analyse ?
Actuellement, le Maroc fait face, tout comme de nombreux autres pays, à une augmentation des prix, après une longue période de basse inflation. Cette période s’est également caractérisée par un taux de croissance faible et un maintien relatif du niveau de revenu des ménages, que le HCP qualifie de régime de croissance bas. De plus, cette période a été marquée par des saisons sèches moins nombreuses et un contexte global de prix mondiaux bas.
L’inflation importée a souvent été avancée pour expliquer la hausse soudaine des prix alimentaires, et pas qu’au Maroc. Quels autres facteurs conjoncturels et structurels voyez-vous ?
Il est vrai que l’inflation importée a effectivement été déclenchée par la hausse soudaine des prix alimentaires, et pas seulement au Maroc. Bien que le gouvernement ait réagi par les politiques de compensation pour atténuer les effets de ce choc, l’inflation agit comme une fuite d’eau, touchant l’ensemble de l’économie. L’inflation actuelle coïncide avec des années sèches et une pénurie de l’offre agricole, ce qui a généré un nouveau processus d’augmentation des prix qui perdure malgré la baisse des prix de certains intrants importants, tels que l’énergie.
L’explication mécanique de la Théorie quantitative, au nom de laquelle les banques centrales, dont celle du Maroc, justifient la hausse des taux directeurs vous semble-t-elle tenable ? La réponse monétaire a-t-elle montré ses limites ou serait-elle plutôt inadaptée ?
Certains auteurs soutiennent l’origine monétaire de l’inflation dans les pays développés, en raison, notamment, de la double influence des politiques monétaires expansionnistes, telles que le quantitative easing et des politiques de relance adoptées après la crise de la Covid-19 et qui ont entraîné une surliquidité sur les marchés de ces pays. Cependant, l’origine monétaire de l’inflation au Maroc ne semble pas tenable en raison de la faible demande. La cause principale en est plutôt la faiblesse de l’offre de biens alimentaires, qui constitue une grande part du panier des ménages marocains. Ces biens ne sont pas substituables, ce qui entraîne une réduction de la demande pour les autres produits et de la demande agrégée.
À combien le HCP évalue la perte de pouvoir d’achat résultant de la hausse de l’inflation ?
Dans notre budget prévisionnel publié en janvier, nous avons prévu une détérioration du pouvoir d’achat de -1,9%. En 2023, et si on n’assiste pas à une amélioration significative du revenu disponible, le pouvoir d’achat des ménages peut connaître une baisse pour la deuxième année consécutive.
Faut-il craindre une relance de revendications salariales dans la Fonction publique et le secteur privé ?
La conjoncture actuelle, malgré la difficulté qu’elle présente pour les salariés et les travailleurs en général, devrait plutôt les inciter à faire preuve de plus de modération dans l’évaluation de leur niveau de vie, en comparaison avec la grande frange de la population qui souffre de la sécheresse et du chômage.
Comment expliquez-vous que l’inflation alimentaire soit si élevée, 20% en février, alors que le Royaume produit
l’essentiel de ce qu’il consomme ? Devrait-on remettre en cause le poids des cultures tournées vers l’export ?
Je suis convaincu que le Maroc, tout comme d’autres pays, même européens, sera amené à revoir son modèle stratégique, technologique et social, dont l’agriculture, pour une plus grande sauvegarde de sa sécurité alimentaire.
AbashiShamamba / Les Inspirations ÉCO
Lien : https://leseco.ma/maroc/ahmed-lahlimi-alami-linflation-agit-comme-une-fuite-deau.html
PAR AbashiShamamba / Les Inspirations ÉCO