Comme vous le savez, le rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi a eu un retentissement important, en France et à l’étranger. Et je dirais, aussi bien auprès des statisticiens que de l’opinion publique internationale.
Ce rapport, qui fera date, ne marque pas pour autant une rupture avec les travaux actuels des statisticiens. Il appelle plutôt à accélérer des mutations qui sont déjà engagées ; afin de mieux répondre à la demande sociale. Innover pour mieux répondre à la demande sociale.
Il y a, comme le disent les Anglo-saxons, un travail de « mainstreaming » à accomplir : faire passer des travaux émergents du stade de prototype à celui de production régulière, accessible à un très large public.
Ces enjeux, innovation statistique et mainstreaming, ne concernent pas que la statistique française. Ils concernent plus globalement l’ensemble de la statistique publique internationale.
Les attentes qui sont aujourd’hui celles de nos utilisateurs témoignent en tout cas du long chemin parcouru par la statistique publique, depuis sa création.
À l’origine du mot statistique, il y a État. L’État dénombrant, par exemple, il y a quelques siècles, le nombre de jeunes hommes en état de combattre.
Cette filiation régalienne, on la retrouve dans la mesure du PIB. Un agrégat qui permet, par exemple, de mieux appréhender l’assiette fiscale sur laquelle peut s’appuyer l’État. De mieux appréhender aussi la puissance économique de la Nation.
Un agrégat qui permet à l’État d’exercer une autre compétence régalienne, celle de la stabilisation de l’activité macroéconomique, compétence dont l’actualité ne se dément pas !
Mais, au-delà de ces missions incontournables, on attend beaucoup plus aujourd’hui de la statistique publique. On attend d’elle qu’elle nous informe sur des sujets d’une toute autre ambition : la mesure du bien-être des populations et de sa soutenabilité.
On entre, ce faisant, dans le domaine de la subjectivité, du ressenti, avec toutes les difficultés qui s’attachent à ce type d’évaluation.
On entre aussi, avec les travaux sur la soutenabilité et le développement durable, dans des difficultés conceptuelles considérables, associées à une pénurie de données facilement exploitables.
Les difficultés conceptuelles sont connues : comment se projeter vers un horizon à la fois éloigné et incertain sans multiplier les hypothèses « héroïques » et éventuellement irréalistes ?
Comment synthétiser, dans un indicateur de référence, la valeur que nous attribuons à notre capital environnemental ? En tenant compte des intérêts, éventuellement divergents, des générations présentes et des générations futures.
Jean-Philippe Cotis
Economiste français. Spécialiste des politiques macroéconomiques, il est directeur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).
M. Cotis est entré au Ministère de l'Économie en 1982. Après un cursus d'économiste, où il passe notamment par le FMI (1986-1988), il devient « conseiller économique du Ministre » de 1993 à 1994. Il a contribué à organiser, pour le compte du Gouvernement français, le G7-Emploi de Lille (1995). Il a été Directeur de la Prévision de 1997 à 2002.
De 2002 à 2007, il a été économiste en Chef du Département des Affaires Économiques de l'OCDE.
Administrateur civil, il a été nommé par le Conseil des ministres du 17 octobre 2007 comme directeur général de l’INSEE.
Il a été membre de la Commission pour la libération de la croissance française dite Commission Attali qui a remis son rapport au président de la République le 23 janvier 2008 Il est marié et père de 3 enfants.
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