432 000 emplois perdus en une année. C’est un chiffre inédit, à l’image du choc économique subi par le pays. Les prévisions initiales au début de la pandémie tablaient sur des pertes de plus de 500 000 emplois. Mais la casse a été finalement limitée grâce à la petite reprise post-confinement.
Ces emplois perdus sont venus gonfler le stock de chômeurs avec 322 000 individus, le reste ayant quitté le marché de l’emploi (ne recherchent pas un travail) et n’est donc plus pris en compte dans le calcul du taux de chômage. Résultat : la population des chômeurs à fin 2020 est passée à 1,429 million de personnes, soit un taux de chômage de près de 12%, contre 9,2% en 2019. Autre conséquence : la baisse du taux d’activité des personnes en âge de travailler, qui a baissé d’un point pour s’établir à 44,8%.
Si l’on sait d’ores et déjà que le Maroc ne retrouvera son rythme de production de 2019 qu’en 2023, selon les prévisions de croissance du gouvernement, celles du HCP ainsi que du FMI et de la Banque mondiale, la question de la récupération des emplois perdus reste posée. Sachant que le marché de l’emploi est tout sauf statique puisque près de 300 000 personnes y arrivent chaque année…
La croissance prévue en 2021 (4,6%) et en 2022 (3%) permettra-t-elle de recréer les emplois perdus ? En combien de temps l’économie marocaine pourra-t-elle réintégrer ces « victimes » de l'année 2020 marquée par la sécheresse et la crise Covid ? Et qu’en est-il des nouveaux arrivants ?
Avant la crise, la création d’emplois était déterminée par le nombre de points de croissance. Entre 2000 et 2010, chaque point de croissance créait l’équivalent de 120 000 emplois. Ce ratio s’est sensiblement affaibli durant la deuxième décennie des années 2000, pour passer à 20 000 postes pour chaque point de croissance, ce qui a posé le grand débat sur le contenu de la croissance et débouché sur la réflexion autour de l’essoufflement du modèle de développement. En 2019 toutefois, l’économie marocaine est arrivée, malgré un taux de croissance de 2,5% à créer 195 000 postes, soit 78 000 emplois pour chaque point de croissance.
Peut-on se projeter dans les deux années suivantes en utilisant ce raisonnement ? Pour Ahmed Lahlimi, s’il est vrai que la croissance crée de l’emploi, l’on ne peut plus nous baser sur les chiffres de 2019 pour faire des projections, car le contenu de la croissance ne sera pas le même. « Pour les créations d’emplois, tout dépend du contenu de la croissance. Et ce contenu ne sera pas le même que durant les dernières années. On ne peut pas donc utiliser les chiffres d’avant la pandémie pour prévoir l’avenir », nous dit-il.
Absorber les pertes de 2020 est lié principalement à un retour à la vie normale
Ahmed Lahlimi pense que le principal déterminant pour savoir dans combien de temps les emplois perdus en 2020 seront recréés n’est pas la croissance projetée, mais d’abord la reprise des secteurs qui ont été fortement impactés par la crise.
« Pour absorber les pertes d’emplois de 2020, il faut que les secteurs les plus touchés reprennent d’abord. Comme le tourisme et tous les métiers qui en dépendent, ainsi que toutes les activités qui dépendent de la libre circulation ou d’une forte mobilité. Absorber les emplois perdus dépendra aussi de l’ouverture du pays, des résultats de la vaccination aussi bien chez nous que chez nos partenaires européens », nous explique-t-il.
Ahmed Lahlimi note toutefois un point positif qui permettra de faire bouger les choses en cette année 2021 : la perspective d’une bonne année agricole.
En 2020, les pertes d’emplois ont été causées par la pandémie, mais pas seulement. Car le plus gros des pertes a été enregistré dans le monde rural (273 000 pertes) à cause notamment de la sécheresse.
« Il y a un point qui nous laisse espérer qu’il y aura une forte reprise de l’emploi : c’est la reprise espérée de l’agriculture. Le ciel semble plus clément, ce qui va créer de l’emploi pour le secteur agricole dans le monde rural et alimenter également des créations d’emploi dans le secteur de l’agroalimentaire », note le Haut-commissaire au Plan.
Autre variable à prendre en compte selon M. Lahlimi : l’informel, qui fait partie du calcul du taux de chômage publié par le HCP, nous rappelle-t-il. « L’informel emploie plus de 40% de la population active. Absorber les pertes de 2020 est ainsi très lié à la reprise des activités de l’informel. Et cela ne dépend que d’une seule chose : le retour à une vie normale », précise-t-il.
Selon les pronostics du Haut-commissaire au Plan, l’ensemble de ces éléments le poussent à avancer l’hypothèse qu’il nous faudra entre 2 et 3 années pour absorber les 432 000 pertes d’emplois de l’année 2020. Un scénario qui prend en compte une reprise au deuxième semestre, et des taux de croissance de 4,6% en 2020 et plus de 3% en 2022.
« Pour absorber les pertes d’emplois de 2020, il faut que les secteurs les plus touchés reprennent d’abord. Comme le tourisme et tous les métiers qui en dépendent, ainsi que toutes les activités qui dépendent de la libre circulation ou d’une forte mobilité. Absorber les emplois perdus dépendra aussi de l’ouverture du pays, des résultats de la vaccination aussi bien chez nous que chez nos partenaires européens », nous explique-t-il.
Ahmed Lahlimi note toutefois un point positif qui permettra de faire bouger les choses en cette année 2021 : la perspective d’une bonne année agricole.
En 2020, les pertes d’emplois ont été causées par la pandémie, mais pas seulement. Car le plus gros des pertes a été enregistré dans le monde rural (273 000 pertes) à cause notamment de la sécheresse.
« Il y a un point qui nous laisse espérer qu’il y aura une forte reprise de l’emploi : c’est la reprise espérée de l’agriculture. Le ciel semble plus clément, ce qui va créer de l’emploi pour le secteur agricole dans le monde rural et alimenter également des créations d’emploi dans le secteur de l’agroalimentaire », note le Haut-commissaire au Plan.
Autre variable à prendre en compte selon M. Lahlimi : l’informel, qui fait partie du calcul du taux de chômage publié par le HCP, nous rappelle-t-il. « L’informel emploie plus de 40% de la population active. Absorber les pertes de 2020 est ainsi très lié à la reprise des activités de l’informel. Et cela ne dépend que d’une seule chose : le retour à une vie normale », précise-t-il.
Selon les pronostics du Haut-commissaire au Plan, l’ensemble de ces éléments le poussent à avancer l’hypothèse qu’il nous faudra entre 2 et 3 années pour absorber les 432 000 pertes d’emplois de l’année 2020. Un scénario qui prend en compte une reprise au deuxième semestre, et des taux de croissance de 4,6% en 2020 et plus de 3% en 2022.
Une reprise plus rapide est possible
Les choses peuvent toutefois aller plus rapidement si l’économie redémarre plus vite que prévu, si la campagne de vaccination se révèle efficace aussi bien au Maroc que dans le reste du monde, notamment en Europe. Et s’il y a surtout, comme l’exprime M. Lahlimi, « de l’imagination, une bonne capacité de planifier les choses ». Car selon lui, « cette crise a ouvert des opportunités pour l’économie marocaine, que nous devons capter rapidement pour enclencher une vraie reprise, absorber les emplois perdus et en créer d’autres pour les nouveaux arrivants », explique-t-il.
« Il faut profiter de la rupture des chaînes de valeur mondiales, du besoin de l’Asie de points d’appui pour servir l’Europe, et du besoin des européens d’avoir des points de production plus proches de leur territoire. Nous sommes dans une zone où l’Europe du sud est dans une nouvelle dynamique, elle a pris conscience de l’importance de sa souveraineté économique et industrielle… Il y a lieu d’avoir une nouvelle configuration de nos échanges extérieurs et de nos IDE. Tout cela nécessite d’avoir une vision d’ensemble, un dynamisme de notre gouvernement et de notre diplomatie économique », souligne le Haut-commissaire au Plan.
Si ces opportunités sont ratées, selon M. Lahlimi, il nous faudra du temps pour absorber les pertes d’emplois de 2020. Et on aura du mal à créer des opportunités pour les 300 000 jeunes qui arrivent chaque année sur le marché de l’emploi. Le défi étant aujourd’hui de créer un cercle vertueux, une nouvelle trajectoire de développement, qui ne se contente pas de reconstruire le Maroc d’avant la pandémie, mais de créer une économie qui puisse offrir des débouchés pour les jeunes.
Et sans cette nouvelle dynamique, M. Lahlimi pense que l’absorption des pertes de 2020 sera mécanique sur deux ou trois ans, effet de rattrapage oblige, mais le taux de chômage, lui, restera élevé. Car ceux qui arriveront sur le marché du travail auront du mal à trouver un emploi. Et le stock des chômeurs restera plus ou moins le même.
Les chiffres du chômage dans la catégorie des jeunes illustrent bien cette réalité, qui ne va qu’empirer avec cette crise : si le taux de chômage global est de près de 12%, le chômage des jeunes entre 15 et 24 ans est de 45% en milieu urbain !
Dans cette reprise attendue de l’économie marocaine, deux défis se posent : absorber les pertes de 2020, mais tout en ayant un regard sur ce taux très élevé du chômage des jeunes urbains qui ne cessera de gonfler dans les deux prochaines années. Et les deux défis ne seront relevés selon Ahmed Lahlimi qu’en sortant d’abord de cette pandémie mondiale et en retrouvant un rythme de vie normal, mais aussi en capitalisant sur les opportunités créées par la crise pour inscrire le pays dans une nouvelle dynamique industrielle et technologique qui sera à même d’agir sur la problématique du chômage des jeunes et des nouveaux arrivants sur le marché.
PAR M.M.
« Il faut profiter de la rupture des chaînes de valeur mondiales, du besoin de l’Asie de points d’appui pour servir l’Europe, et du besoin des européens d’avoir des points de production plus proches de leur territoire. Nous sommes dans une zone où l’Europe du sud est dans une nouvelle dynamique, elle a pris conscience de l’importance de sa souveraineté économique et industrielle… Il y a lieu d’avoir une nouvelle configuration de nos échanges extérieurs et de nos IDE. Tout cela nécessite d’avoir une vision d’ensemble, un dynamisme de notre gouvernement et de notre diplomatie économique », souligne le Haut-commissaire au Plan.
Si ces opportunités sont ratées, selon M. Lahlimi, il nous faudra du temps pour absorber les pertes d’emplois de 2020. Et on aura du mal à créer des opportunités pour les 300 000 jeunes qui arrivent chaque année sur le marché de l’emploi. Le défi étant aujourd’hui de créer un cercle vertueux, une nouvelle trajectoire de développement, qui ne se contente pas de reconstruire le Maroc d’avant la pandémie, mais de créer une économie qui puisse offrir des débouchés pour les jeunes.
Et sans cette nouvelle dynamique, M. Lahlimi pense que l’absorption des pertes de 2020 sera mécanique sur deux ou trois ans, effet de rattrapage oblige, mais le taux de chômage, lui, restera élevé. Car ceux qui arriveront sur le marché du travail auront du mal à trouver un emploi. Et le stock des chômeurs restera plus ou moins le même.
Les chiffres du chômage dans la catégorie des jeunes illustrent bien cette réalité, qui ne va qu’empirer avec cette crise : si le taux de chômage global est de près de 12%, le chômage des jeunes entre 15 et 24 ans est de 45% en milieu urbain !
Dans cette reprise attendue de l’économie marocaine, deux défis se posent : absorber les pertes de 2020, mais tout en ayant un regard sur ce taux très élevé du chômage des jeunes urbains qui ne cessera de gonfler dans les deux prochaines années. Et les deux défis ne seront relevés selon Ahmed Lahlimi qu’en sortant d’abord de cette pandémie mondiale et en retrouvant un rythme de vie normal, mais aussi en capitalisant sur les opportunités créées par la crise pour inscrire le pays dans une nouvelle dynamique industrielle et technologique qui sera à même d’agir sur la problématique du chômage des jeunes et des nouveaux arrivants sur le marché.
PAR M.M.