Finances News Hebdo : A la lumière de la réalisation d'une carte géographiquement fine de la pauvreté et l'étude des politiques de ciblage géographique menées par le HCP, quel serait le dead line pour appliquer concrètement le plan optimal au Maroc ?
Ahmed Lahlimi Alami : L'étude que vous mentionnez montre clairement, sur la base de budgets fictifs de lutte contre la pauvreté, que le ciblage géographique optimal est le plus performant en termes de réduction de la pauvreté et déconomie des ressources publiques, et quil gagnerait à être renforcé par la mise en place, au sein des localités pauvres, d'un répertoire des ménages manifestement pauvres et des individus à haut risque. Elle considère par ailleurs que la convergence des programmes de développement vers ce répertoire devra améliorer laptitude des populations cibles à s'autoprotéger durablement de la pauvreté, dans l'objectif d'activer les sorties du répertoire. Cest dire que la mise en oeuvre de cette approche ciblage, dans sa globalité, est un chantier de développement approprié dont toute application ne peut s'inscrire que dans le moyen terme.
A court terme, il est cependant possible de se référer aux outils techniques produits par cette étude pour une distribution géographique optimale de tout budget dédié à la réduction de la pauvreté, dans la perspective d'intégrer la dimension pauvreté dans l'allocation des ressources budgétaires du pays. Il ne s'agit pas de répartir au dirham près des fonds de lutte contre la pauvreté, mais d'indiquer les localités auquelles d'importantes ressources budgétaires doivent être destinées.
F. N. H. : L'étude du HCP considère deux scénarios indicatifs de fixation du budget de lutte contre la pauvreté ; lequel serait le mieux adapté au contexte actuel ?
A. L. A. : Permettez-moi de rappeler à cet égard que le scénario 1 se fonde sur des budgets, urbain et rural, séparément assimilés, par la méthodologie appliquée, à 5 % du montant obtenu en multipliant leffectif de la population par la dépense par tête du 25ème percentile. Cette dépense est 1,9 fois plus élevée dans lurbain que dans le rural, ce qui fait que ce scénario est franchement généreux vis-à-vis des urbains. Selon ce scénario, le milieu urbain totaliserait 70,2 % des ressources budgétaires allouées à la réduction de la pauvreté. La part de ce milieu dans la population totale (55,1% en 2004) ou encore dans la population pauvre (30,1% en 2004) ne peut justifier cette allocation des ressources.
En revanche, le Budget représente, dans le scénario 2, le montant à transférer, selon un ciblage parfait, à l'ensemble de la population pauvre de façon à égaliser ses dépenses de consommation au seuil de pauvreté, pendant une année entière. Il est par définition équitablement réparti entre les milieux urbain et rural. Son intérêt est plutôt analytique dans la mesure où il permet de calculer la distance entre le ciblage optimal et le ciblage parfait et de montrer la pertinence, en terme d'impact sur la pauvreté, de l'équité de la répartition, entre les urbains et les ruraux, des ressources de lutte contre la pauvreté.
Les deux scénarios se fondent, certes, sur des considérations méthodologiques et analytiques, sinon didactiques, mais ils demeurent purement indicatifs comme vous venez de le mentionner. Tout dépendra du montant des ressources budgétaires disponibles que le pays peut consacrer à la lutte contre la pauvreté. En tout cas, les travaux réalisés dans le cadre de cette étude ont l'intérêt de présenter un ensemble d'outils techniques permettant d'établir une répartition optimale des budgets dédiés à la lutte contre la pauvreté.
F. N. H. : L'application du plan optimal permettant des allocations budgétaires ciblées devrait-il, à terme, mettre fin au système de compensation tant décrié ?
A. L. A. : Là encore, tout dépendra de la source de financement dune lutte contre la pauvreté au moyen du ciblage optimal, des possibilités de réallocation des ressources budgétaires et de la capacité des finances publiques à couvrir la facture d'une compensation des produits alimentaires et pétroliers, de plus en plus insoutenable financièrement et économiquement. La conclusion fondamentale de l'étude sur le ciblage géographique de la pauvreté est claire. Toutes choses étant égales par ailleurs, dont notamment le système de compensation en vigueur, le ciblage géographique optimal reste le meilleur moyen de transférer les ressources aux localités pauvres en vue dagir sensiblement sur la pauvreté. Ce transfert peut consister en la compensation de la consommation des produits de première nécessité, l'atténuation du coût d'opportunité de l'accès aux prestations sociales, la dotation en facteurs de revenu dont notamment les micro- projets, le développement de l'environnement social et économique, la prise en charge des populations à haut risque ou encore le transfert en cash conditionné.
F. N. H. : Peut-on avoir une estimation approximative du budget total de lutte contre la pauvreté en cas de suppression de la compensation ?
A. L. A. : Il faut reconnaître d'abord que la compensation des produits alimentaires et pétroliers est bien ancrée dans les structures de consommation et de production. Sa suppression ne peut que s'inscrire dans le long terme, s'opérer progressivement dans des conjonctures économiques et sociales favorables, et au fur et à mesure du perfectionnement d'une nouvelle approche de ciblage géographique et social.
Ceci étant, les travaux conduits par le HCP dans le cadre de la «Prospective Maroc 2030» montrent que le coût annuel de la «pauvreté zéro», c'est-à-dire d'une incidence résiduelle voire socialement tolérable de la pauvreté, se situe en 2004 entre 0,8% du PIB au cas d'une connaissance parfaite des ménages pauvres et 5,5% du PIB au cas où l'on ne dispose d'aucune information sur la pauvreté. Dans ce dernier cas, il faudrait transférer le déficit moyen des revenus des pauvres, par rapport au seuil de pauvreté, à l'ensemble de la population pour s'assurer de la couverture de tous les ménages pauvres. Majorée par les subventions alimentaires, la limite supérieure du coût de l'éradication de la pauvreté représente 6,4% du PIB en 2004, soit l'équivalent du Budget annuel que consacre le pays à l'enseignement, à la formation et à la recherche scientifique.
Ces données démontrent clairement deux constats fondamentaux. D'une part, notre pays a de quoi réduire considérablement la pauvreté, mais il ne parviendra à le faire qu'en actualisant l'approche de ciblage afin d'affecter les ressources de lutte contre la pauvreté à ceux qui en ont le plus besoin. D'autre part, la disponibilité de données désagrégées sur la pauvreté permet d'établir la meilleure répartition géographique des ressources publiques et d'améliorer sensiblement la performance des politiques de ciblage. Plus ces données sont utilisées au niveau le plus désagrégé (commune ou district), plus important sera l'impact du ciblage géographique sur la pauvreté. Telles sont les indications fortes qui se dégagent des études menées par le HCP dont celle sur le ciblage géographique de la pauvreté.
Ahmed Lahlimi Alami : L'étude que vous mentionnez montre clairement, sur la base de budgets fictifs de lutte contre la pauvreté, que le ciblage géographique optimal est le plus performant en termes de réduction de la pauvreté et déconomie des ressources publiques, et quil gagnerait à être renforcé par la mise en place, au sein des localités pauvres, d'un répertoire des ménages manifestement pauvres et des individus à haut risque. Elle considère par ailleurs que la convergence des programmes de développement vers ce répertoire devra améliorer laptitude des populations cibles à s'autoprotéger durablement de la pauvreté, dans l'objectif d'activer les sorties du répertoire. Cest dire que la mise en oeuvre de cette approche ciblage, dans sa globalité, est un chantier de développement approprié dont toute application ne peut s'inscrire que dans le moyen terme.
A court terme, il est cependant possible de se référer aux outils techniques produits par cette étude pour une distribution géographique optimale de tout budget dédié à la réduction de la pauvreté, dans la perspective d'intégrer la dimension pauvreté dans l'allocation des ressources budgétaires du pays. Il ne s'agit pas de répartir au dirham près des fonds de lutte contre la pauvreté, mais d'indiquer les localités auquelles d'importantes ressources budgétaires doivent être destinées.
F. N. H. : L'étude du HCP considère deux scénarios indicatifs de fixation du budget de lutte contre la pauvreté ; lequel serait le mieux adapté au contexte actuel ?
A. L. A. : Permettez-moi de rappeler à cet égard que le scénario 1 se fonde sur des budgets, urbain et rural, séparément assimilés, par la méthodologie appliquée, à 5 % du montant obtenu en multipliant leffectif de la population par la dépense par tête du 25ème percentile. Cette dépense est 1,9 fois plus élevée dans lurbain que dans le rural, ce qui fait que ce scénario est franchement généreux vis-à-vis des urbains. Selon ce scénario, le milieu urbain totaliserait 70,2 % des ressources budgétaires allouées à la réduction de la pauvreté. La part de ce milieu dans la population totale (55,1% en 2004) ou encore dans la population pauvre (30,1% en 2004) ne peut justifier cette allocation des ressources.
En revanche, le Budget représente, dans le scénario 2, le montant à transférer, selon un ciblage parfait, à l'ensemble de la population pauvre de façon à égaliser ses dépenses de consommation au seuil de pauvreté, pendant une année entière. Il est par définition équitablement réparti entre les milieux urbain et rural. Son intérêt est plutôt analytique dans la mesure où il permet de calculer la distance entre le ciblage optimal et le ciblage parfait et de montrer la pertinence, en terme d'impact sur la pauvreté, de l'équité de la répartition, entre les urbains et les ruraux, des ressources de lutte contre la pauvreté.
Les deux scénarios se fondent, certes, sur des considérations méthodologiques et analytiques, sinon didactiques, mais ils demeurent purement indicatifs comme vous venez de le mentionner. Tout dépendra du montant des ressources budgétaires disponibles que le pays peut consacrer à la lutte contre la pauvreté. En tout cas, les travaux réalisés dans le cadre de cette étude ont l'intérêt de présenter un ensemble d'outils techniques permettant d'établir une répartition optimale des budgets dédiés à la lutte contre la pauvreté.
F. N. H. : L'application du plan optimal permettant des allocations budgétaires ciblées devrait-il, à terme, mettre fin au système de compensation tant décrié ?
A. L. A. : Là encore, tout dépendra de la source de financement dune lutte contre la pauvreté au moyen du ciblage optimal, des possibilités de réallocation des ressources budgétaires et de la capacité des finances publiques à couvrir la facture d'une compensation des produits alimentaires et pétroliers, de plus en plus insoutenable financièrement et économiquement. La conclusion fondamentale de l'étude sur le ciblage géographique de la pauvreté est claire. Toutes choses étant égales par ailleurs, dont notamment le système de compensation en vigueur, le ciblage géographique optimal reste le meilleur moyen de transférer les ressources aux localités pauvres en vue dagir sensiblement sur la pauvreté. Ce transfert peut consister en la compensation de la consommation des produits de première nécessité, l'atténuation du coût d'opportunité de l'accès aux prestations sociales, la dotation en facteurs de revenu dont notamment les micro- projets, le développement de l'environnement social et économique, la prise en charge des populations à haut risque ou encore le transfert en cash conditionné.
F. N. H. : Peut-on avoir une estimation approximative du budget total de lutte contre la pauvreté en cas de suppression de la compensation ?
A. L. A. : Il faut reconnaître d'abord que la compensation des produits alimentaires et pétroliers est bien ancrée dans les structures de consommation et de production. Sa suppression ne peut que s'inscrire dans le long terme, s'opérer progressivement dans des conjonctures économiques et sociales favorables, et au fur et à mesure du perfectionnement d'une nouvelle approche de ciblage géographique et social.
Ceci étant, les travaux conduits par le HCP dans le cadre de la «Prospective Maroc 2030» montrent que le coût annuel de la «pauvreté zéro», c'est-à-dire d'une incidence résiduelle voire socialement tolérable de la pauvreté, se situe en 2004 entre 0,8% du PIB au cas d'une connaissance parfaite des ménages pauvres et 5,5% du PIB au cas où l'on ne dispose d'aucune information sur la pauvreté. Dans ce dernier cas, il faudrait transférer le déficit moyen des revenus des pauvres, par rapport au seuil de pauvreté, à l'ensemble de la population pour s'assurer de la couverture de tous les ménages pauvres. Majorée par les subventions alimentaires, la limite supérieure du coût de l'éradication de la pauvreté représente 6,4% du PIB en 2004, soit l'équivalent du Budget annuel que consacre le pays à l'enseignement, à la formation et à la recherche scientifique.
Ces données démontrent clairement deux constats fondamentaux. D'une part, notre pays a de quoi réduire considérablement la pauvreté, mais il ne parviendra à le faire qu'en actualisant l'approche de ciblage afin d'affecter les ressources de lutte contre la pauvreté à ceux qui en ont le plus besoin. D'autre part, la disponibilité de données désagrégées sur la pauvreté permet d'établir la meilleure répartition géographique des ressources publiques et d'améliorer sensiblement la performance des politiques de ciblage. Plus ces données sont utilisées au niveau le plus désagrégé (commune ou district), plus important sera l'impact du ciblage géographique sur la pauvreté. Telles sont les indications fortes qui se dégagent des études menées par le HCP dont celle sur le ciblage géographique de la pauvreté.